« N’oubliez jamais qu’il suffira d’une crise politique, économique ou religieuse pour que les droits des femmes soient remis en question. »
Simone de Beauvoir le savait déjà. Et si nous, on l’avait oublié, la Cour suprême des États-Unis vient de nous le rappeler en invalidant l’arrêt Roe v. Wade, qui, chez nos voisins du Sud, était venu décriminaliser le recours à l’avortement en 1973. Ce n’est pas une surprise : le mois dernier, une fuite de document avait laissé entendre que c’était dans les cartes. Mais jusqu’à aujourd’hui, il était encore permis d’espérer.
Aujourd’hui, fini l’espoir (ou le déni) : on est plutôt dans le surréalisme, voire l’anachronisme. De nos jours, les mythes ont pourtant été déboulonnés depuis longtemps : on sait qu’interdire les avortements n’en diminue pas le nombre : ça ne fait que les rendre dangereux. On sait qu’il est faux d’affirmer que les femmes utilisent l’avortement comme moyen de contraception. On sait que les avortements tardifs sont extrêmement rares. Mais peu importe : aucun argument factuel ne semble pouvoir venir à bout de cette idéologie pernicieuse qui n’a de cesse de s’attaquer aux femmes.
Car c’est d’une attaque directe contre les femmes qu’il s’agit. Sous le couvert du valeureux prétexte de « sauver des vies », on balaie celles des femmes sous le tapis. Pas un mot sur les femmes qui mourront des suites de leur grossesse ou en tentant d’obtenir un avortement par leurs propres moyens. Pas un mot sur celles qui s’appauvriront parce que leur grossesse non désirée les aura forcées à mettre sur pause, ou carrément à abandonner, leurs études ou leur carrière. Pas un mot sur les conséquences disproportionnées de cette atteinte au droit de choisir sur les femmes pauvres et racisées. Leurs vies à elles ne comptent pas dans l’équation. Si c’était le cas, tous ces efforts déployés pour les empêcher de contrôler leur propre corps seraient consacrés à la sensibilisation (de tous, hommes et femmes) et à l’accès aux moyens de contraception. Mais non : la vie des femmes n’intéresse personne.
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Comme si ça ne suffisait pas, cette décision de la Cour suprême des États-Unis vient mettre en danger, là-bas, d’autres droits chèrement acquis, notamment par la communauté LGBT. L’avortement n’est-il que la première étape? On est en droit de s’inquiéter.
Il paraît qu’au Canada, le droit à l’avortement est mieux protégé. On va le croire. On va espérer que c’est vrai — car, disons-le, il n’y a pas de droit à l’égalité sans droit à l’avortement. Mais il reste qu’aujourd’hui, les droits des femmes semblent plus fragiles que jamais.
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