La comédienne et réalisatrice Alexa-Jeanne Dubé a frappé fort avec son court métrage Joutel, mettant en vedette Pierre Curzi, sa conjointe Marie Tifo ainsi que Peter James. D’ailleurs, le film que la comédienne a également scénarisé a été sélectionné pour lancer le festival Pleins Écran, qui a lieu du 12 au 23 janvier 2022 sur Instagram, et ce, totalement gratuitement!
Joutel est un hommage à la mort qui présente comment elle est perçue par des gens qui entreprennent le chemin de la fin de vie. Même si le sujet et les images sont plutôt sombres, la morale du film est enrichissante et met en lumière la vulnérabilité réelle et abstraite qu’est la mort. Le tout est excessivement bien ficelé et vaut assurément le détour!
Le synopsis de Joutel, que l’on peut retrouver sur le site web officiel de H264, va comme suit : « Alors que Gérard trouve un raton laveur mort sur le terrain de sa maison, le vieil homme se retrouve étrangement bouleversé et confronté à sa propre disparition. Obsédé par la carcasse, Jocelyne sent le désespoir de son homme grandir, un sentiment qui résonne curieusement chez elle. Après une nuit de réflexion, ils décident d’aller enterrer le raton laveur sur le terrain de leur ancienne demeure à Joutel, une ville minière fantôme fermée depuis 1998. Une fois sur les lieux, ressemblant davantage à des ruines aux allures de forêt boréale, Jocelyne plonge dans une nostalgie profonde. C’est là, lors d’un pique-nique morbide pour enterrer la bête, qu’ils feront la rencontre d’un être mystique qui les mènera à faire la paix avec leurs démons intérieurs ».
Nous avons eu la chance de nous entretenir avec la comédienne et réalisatrice Alexa-Jeanne Dubé et ce fut un réel plaisir.
Quelle a été votre inspiration principale pour ce film?
Mes grands-parents. Non pas, parce qu’ils ont un rapport avec une ville fantôme. Simplement, je les vois vieillir et [… ] évidemment, rendu à un certain âge, on peut avoir des questionnements face à la mort, au sens de la vie, à ce qu’on lègue, finalement. C’est vraiment parti d’eux; de les voir un peu plus mélangés, se poser des questions et de ne pas nécessairement être 100% serins avec leur vieillissement. […] Aussi, je suis allé interviewer plein de personnes âgées entre 75 et 100 ans, afin de discuter avec elles, leur rapport avec la mort. Ç’a été super enrichissant. […] C’est un sujet qui m’intéressait, mais la manière dont je l’ai campé, je suis vraiment partie de mon imagination. J’ai pris connaissance de Joutel. Je trouvais le parallèle entre la mort et une ville fantôme intéressant. […] Une ville fantôme était le lieu parfait pour incarner ce sentiment fantomatique.
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Quelles ont été les réactions de Pierre Curzi et de Marie Tifo lors de leur première lecture de ton scénario?
Vraiment positives. Au fond, je les avais approchés, une fois que le scénario était écrit. Je voulais qu’ils jouent les personnages et ils ont beaucoup aimé. Eux-mêmes se sont reconnu à travers ces questionnements dignes de l’ordre de la crise existentielle. […] Pour moi, il y a réellement un parallèle à faire entre l’adolescence et la fin de vie. C’est-à-dire qu’en début de vie, beaucoup de gens vivent une crise existentielle […] Dans la vie adulte, comme il y a le travail et les projets, on est un peu plus loin de cette espèce de vertige là … qui finalement, revient, en fin de parcours, quand tout est terminé et où l’on se retrouve avec ce même vide. Ces thèmes venaient vraiment leur parler. On a eu plein de discussions sur ça. C’est pour ça qu’ils ont accepté.
Quel est le plus grand challenge que vous avez rencontré lors des tournages?
D’aller tourner à Joutel, c’était quand même ambitieux : évidemment, comme c’est une ville fantôme, il fallait arriver avec une génératrice, amener un buffet pour l’équipe, installer des toilettes. […] Comme les rues sont encore là, on pouvait circuler, mais il n’y avait rien d’autre. Il n’y avait aucune ville à moins d’une heure de route. Mais nous étions tout de même vraiment bien préparés.
Est-ce que vous avez l’intention de poursuivre dans le cinéma de genre?
Le côté un peu fantastique est pour moi un genre d’extension poétique. C’est quelque chose qui m’intéresse. Je suis en train de développer un autre court métrage qui a un peu ce genre-là sans que ce soit un film de genre […], mais il y a un monstre dans le film, alors j’aime beaucoup faire côtoyer ce genre d’univers. Je n’irai jamais à 100% dans du fantastique, mais j’aime bien en insérer un peu.
Quel film a fait en sorte que vous êtes réalisatrice aujourd’hui?
Je l’ai un peu découvert à travers ma carrière d’actrice. À force de tourner dans des courts métrages, de rencontrer de jeunes cinéastes, c’est comme ça que j’ai eu envie de créer. J’avais souvent beaucoup d’opinions sur les scénarios. J’ai réalisé que j’étais vraiment impliqué dans l’oeuvre et pas seulement dans la performance. […] C’est vraiment plus parti de mon parcours que d’une oeuvre extérieure.
Par rapport à votre âge, que représente la mort pour vous?
La mort m’a toujours troublé. Vers six ans, quand j’ai réalisé que j’allais mourir, ça m’a carrément angoissé, je me souviens très bien de ce moment. J’ai toujours eu un rapport non serein avec la mort. C’est vraiment quelque chose qui me fait peur dans ma vie, de façon périodique. J’ai des périodes où on dirait que j’y pense beaucoup. Je pense au fait que le temps passe tellement vite, que l’on va mourir bientôt. À l’absurdité du fait que l’on meurt. Au côté spirituel. C’est vraiment quelque chose qui me travaille. Je pense que ça va me faire peur et m’intriguer toute ma vie.
Quelle scène vous a-t-elle le plus marqué lors des tournages?
Toutes les scènes ont été marquantes à leurs façons… Mais c’est certain que la scène finale à Joutel, avec la lumière qui apparait derrière les acteurs, où l’étranger arrive en fauteuil roulant… C’est une scène que l’on a tournée surtout en plan large, on était donc très reculé et on voyait la scène se défiler littéralement sous nos yeux. On avait vraiment l’impression de vivre ce moment-là, très étrange, sortie de l’ordinaire, dans cette réelle ville fantôme […] C’est la dernière scène du film qu’on a tourné.
Joutel ouvre la 6e édition du festival, qu’est-ce que ça représente pour vous? Est-ce que ça vous met un peu de pression?
J’ai reçu cette nouvelle comme un honneur. C’est certain que des gens auront peut-être une certaine opinion, parce que c’est mon film qui a été choisi. Ils se diront peut-être « pourquoi lui? Pourquoi pas un autre? » Rendu-là, ça ne m’appartient pas et je le vois vraiment comme un honneur. Aussi, je sais que les gens qui l’ont choisi, c’est parce qu’ils l’aiment vraiment. […] Au début, le lancement devait se faire en présentiel, au cinéma Beaubien. […] Mais avec la pandémie, je ne vais même pas tant me rendre compte que les gens le regardent, comme le festival est en ligne, haha!