Les fans de Patrick Senécal ont certainement lu son roman Sur le seuil, adapté au cinéma 2003. On y suit l’histoire d’un auteur qui s’est mutilé les mains, refusant de reprendre sa plume comme tous les drames qu’il écrit finissent par se réaliser dans la vraie vie. Eh bien, sans même s’en rendre compte, le célèbre écrivain d’horreur est en quelque sorte devenu son personnage, doigts coupés en moins, puisque, dans la première série qu’il signe, Patrick Senécal présente, les terribles événements auxquels il nous introduit se déploient sous nos yeux par après.
« Les gens sont souvent plus intelligents que les auteurs, ils voient des choses que nous, on ne voit pas! C’est pas fou, c’est vrai qu’il y a une espère de mise en abyme. Mais non, ce n’est pas voulu », répond Senécal quand on lui demande s’il faut y voir un clin d’oeil à son oeuvre, lui qui aime bien glisser de petits « easter eggs » dans ses livres et qui a fait une référence subtile à sa fameuse rue des Ormes dans le troisième épisode.
Ce qui a réellement inspiré le réalisateur, Stéphane Lapointe, à mettre ainsi en scène l’écrivain au début de chaque épisode, c’est évidemment le classique Alfred Hitchcock Presents. Changez d’auteur, enlevez les quelques blagounettes, ajoutez un décor de bureau austère et c’est à s’y méprendre.
À l’exception de la très aimée Terreur 404, les séries d’anthologie sont un phénomène rare au Québec, bien que très populaire ailleurs dans le monde, et c’est donc en s’inspirant de classiques du genre que l’idée s’est imposée. Le réalisateur et l’auteur ont tous les deux grandi avec Tales of the Unexpected et ont été fascinés, comme bien des gens, par Black Mirror ces dernières années.
Plus à la manière de Twilight Zone que de Creepshow, Patrick Senécal présente mise sur le psychologique plutôt que graphique. On n’est pas dans le gore et ça reste même assez propre, jouant davantage sur le suspense que sur l’horreur. Ça fait de la nouveauté une série qui rejoindra facilement un public assez large, étant donné qu’il ne faut pas être un inconditionnel des productions pleines d’hémoglobine pour apprécier celle-ci. Et parfois, ne pas voir fait encore plus peur, parce que notre imagination et l’ambiance font le reste du travail.
Justement, l’ambiance est ici glauque à souhait et le climat sonore y est pour beaucoup avec de nombreux bruits qui sont accentués. On retrouve la même signature visuelle et la même qualité d’un épisode à l’autre, mais le vrai fil conducteur, c’est que les personnages « vont vivre la pire journée de leur vie ». « Il faut que ça aille mal », appuie Patrick Senécal.
Quand même, on change régulièrement de registre, passant entre autres par le fantastique. Ainsi, une histoire porte sur une jeune femme (Mylène Mackay) qui déménage seule dans une nouvelle ville où un tueur en série sévit; une autre suit un comédien (Théodore Pellerin) dans une audition aussi mystérieuse qu’inquiétante; une troisième raconte l’histoire d’un chanteur (Lou-Pascal Tremblay) dont le désir de connaître le succès se retournera contre lui. Dans un épisode, on retrouve une structure assez classique des films de slashers; dans un autre, c’est une approche beaucoup plus théâtrale (littéralement) et presque métaphorique; un autre encore tombe presque dans la comédie.
Ce principe est courant dans les séries d’anthologie, dont celles qui ont contribué à inspirer Patrick Senécal présente. Le bémol, c’est que ça fait que c’est, ici et là, du déjà-vu : tantôt, le méchant n’est pas celui qu’on nous laissait croire, tantôt, les voeux sont pris au pied de la lettre avec des conséquences dévastatrices. C’est un peu prévisible pour les habitués du genre, mais il y a tout de même de quoi être heureux que ça se fasse au Québec.
À cause de la pandémie, la production a connu des retards qui expliquent pourquoi la saison sera déposée en deux temps sur le Club illico. Les cinq premiers épisodes atterriront sur la plateforme dès demain, le 25 février, tandis que les cinq prochains, dont certains ne seront tournés qu’au printemps, seront offerts à l’automne. Pour la bande-annonce, c’est par ici.