Est-ce que les trois propriétaires de cette nouvelle table de 60 places, située à deux pas de la rue McGill, se doutaient qu’ils allaient susciter beaucoup de curiosité et d’attentes lorsqu’ils ont penché pour le nom de Chef’s Table? L’émission culinaire très prisée sur Netflix qui voit défiler les plus grands chefs au monde serait intouchable au premier abord. Mais pas pour Cédric Saint Onge et Nicolas Delrieu, déjà ensemble à la tête du Speakeasy et du Freeze Brothers, ni pour Alexandre Dalmar, nouveau venu ici, mais avec une belle expérience en gestion hôtelière en France. De leur propre aveu, ils ont moins pensé à l’icône télévisuel qu’à leur chef Marie-Anne Bédard, qui travaille déjà avec eux au Speakeasy et qu’ils voulaient laisser s’exprimer pleinement dans ce nouveau projet.
Crédit photo: Sophie Ginoux
Le Chef’s Table (en bon français, La table du chef) a donc vu le jour le 30 mars dernier, et il me tardait vraiment de l’essayer! Comment se présente-t-il, tout d’abord? Eh bien, sobrement et intelligemment.
Une façade simple et élégante, et un aménagement intérieur du même style avec un ameublement contemporain jouxtant des murs de pierre et de brique, ainsi que des références bien choisies à l’art de la cuisine. Idem pour le service, à la fois très courtois et très professionnel.
Première surprise en arrivant : le menu nous est remis sous la forme d’une petite feuille volante au centre d’une assiette. Je suis presque en train de me dire que c’est un peu amateur… avant de voir ma voisine d’en face le mettre dans sa bouche une fois sa commande passée! Mais enfin, que se passe-t-il au juste? Tout le monde éclate de rire autour de moi, parce que oui, le Chef’s Table se veut ludique, et le jeu commence avec un menu du jour sur lequel on met un peu d’eau (comme une ostie) avant de le consommer.
Crédit photo Sophie Ginoux
Pour me remettre de mes émotions, je commande un cocktail maison parmi la liste proposée. Je penche pour le Botella Del Amor, composé de Cointreau, de vin effervescent, d’orange sanguine et de sirop de pulpe de Grenade. Servi de manière amusante comme une limonade, il se révèle frais, acidulé, bien balancé. Bref, parfait pour l’été, très bien.
Une adorable mise en bouche arrive peu après sur la table dans un petit panier asiatique et des baguettes. Il s’agit d’un ravioli de lapin marié à une compote d’abricots, des noisettes et du parmesan.
Oh, c’est aussi joli que délicieux et original. Il me tarde de découvrir la suite!
Celle-ci se présente sous la forme d’une entrée absolument superbe de tataki de cerf reposant sur une compote de camerise et sur lequel, ô surprise, on a audacieusement posé de petits morceaux de caramel pétillant. Wow. La viande parfaitement cuite et assaisonnée et cette mini-bulle en bouche forment un duo addictif. Quelle belle idée de la chef.
Mon excitation est maintenant à son comble. Après un petit trou normand, que j’aurais peut-être pris après le plat de résistance plutôt qu’avant, je vois arriver ce dernier, une assiette de gnocchis de pommes de terre à la sauge servis avec une purée de courge musquée au fromage de chèvre et un peu de verdure (fenouil et roquette).
L’art de faire un gnocchi à la fois gourmand et aérien n’est pas évident, c’est certain, et je remarque que ceux que je déguste sont un peu lourds, sans doute en raison de leur petite taille, de leur cuisson qui manque d’ajustement, et de l’absence de sauce.
Toutefois, l’assiette est quand même honnête et copieuse, ce qui réjouit mes voisines. Je n’ai pas non plus cette fois-ci eu la chance de tester le maquereau cuit à la torche sur la table, qui paraît-il est vraiment réussi. Difficile de faire des choix, parfois…
Je savais cependant que le spectacle se poursuivrait jusqu’au dessert avec ce que la chef nomme son chef-d’œuvre. C’est d’ailleurs en personne qu’elle vient aux tables le réaliser comme une toile abstraite mangeable. J’ai déjà vu par le passé d’autres restaurants comme l’ex Trippes et Caviar procéder de la sorte, mais c’est toujours avec un réel plaisir qu’assiste à ce genre de création.
En quelques coups de cuillère et de poignet, la chef dispose sur la table du cheesecake coco, du sorbet à l’argousier, de la gelée et de la poudre de framboise, de petites meringues, du crumble aux épices indiennes, des bleuets sphériphiés, de la tire d’érable, du coulis de chocolat et de camerise, ainsi qu’une touche de basilic. Et l’ensemble, qui pourrait sembler un peu chaotique, marche parfaitement! C’est frais, sucré, acidulé, équilibré, léger et délicieusement gourmand.
Le Chef’s Table m’a donc très agréablement surprise pour cette première visite, et je crois que son approche à la fois ludique et rigoureuse de la cuisine séduira beaucoup de palais.
À découvrir!
Chef’s Table
365 Place d’Youville, Montréal
Tel : 514-543-0200
www.chefstablemtl.com