Alors qu’on apprenait la semaine dernière qu’Uber pourrait devoir quitter le Québec si le projet de loi du ministre des Transports Jacques Daoust était adopté, j’ai vu passer sur mon newsfeed plusieurs voix insurgées se porter à la défense d’Uber, maugréant au passage contre le traditionnel taxi.
Je ne crois pas qu’Uber soit indéfendable. Après tout, les meilleures idées reposant sur le partage entre utilisateurs sont pour la plupart toujours, dès leur départ, controversées et/ou vont à l’encontre de la loi. Pensons à Napster, par exemple. Même affaire pour les MegaVideo, The Pirate Bay ou YouPorn. Sans leur apport, on serait certainement passés à côté de quelques révolutions. Appelons-les un mal nécessaire.
Cela étant dit : ce que je reproche à ces pros-Uber, c’est leur manque d’autonomie intellectuelle. Le fait qu’ils soient complètement clueless dès que le problème de l’évasion fiscale leur est soulevé, par exemple. Bon, je n’ai pas d’expertise en paradis fiscaux de même que je ne serais pas tout à fait à l’aise d’aller en discuter chez Arcand aux côtés de Pierre-Yves McSween, mais hey, si on me parle d’une entreprise qui génère des milliards en échappant, notamment, aux impôts canadiens, disons que je m’efforcerais de ne pas négliger ce précieux détail. Et je chercherais bien entendu à me renseigner davantage sur le sujet.
Mais voilà l’absence d’autonomie que je dénonce ici : on ne défend pas Uber pour ce qu’il est. On se garroche à sa défense par vigoureuse opposition, un effort conscient à se venger des lacunes du taxi traditionnel. « Tenez mes esti, vous et moi c’est terminé, vous m’avez assez fait chier, maintenant je me crosse sur ces images de vous à l’agonie. Vivement Uber! »
Comme si vraiment quelqu’un leur avait demandé de faire un choix. Ce n’est pas parce que tu préfères le service offert par Uber qu’il te faut souhaiter voir disparaître le taxi. Ce n’est pas parce que le café de Tim Hortons t’est proposé à moins de 2$ qu’il te faut dire du mal du café du coin parce qu’il t’est vendu à 4,50$ pour le même format. C’est ne pas prendre en compte un paquet de facteurs, mais surtout, c’est de se laisser séduire par l’aspect Wal-Mart affriolant du truc.
Vas-y chez Wal-Mart si ça te tente. Si le fait qu’ils aient tout centralisé au même endroit peut te faire économiser du temps, vas-y. Si le fait que leurs prix soient bigrement très bas peut te faire économiser beaucoup d’argent, vas-y. Parfois le budget ne permet pas du tout d’encourager le commerce du coin momentanément : chacun ses struggles. Mais de grâce, ne sois pas ce petit monsieur ou cette petite madame qui s’affaire à diaboliser la fruiterie ou la boulangerie du quartier seulement parce que les mêmes items chez Wal-Mart te sont moins coûteux.
Comme si l’affriolant rendait Wal-Mart moins malveillant et que par opposition tous les autres te voulaient du mal. Comme si l’affriolant rendait Uber moins fautif avec le fisc et te donnait une raison supplémentaire pour déverser ta bile sur le taxi traditionnel.
L’hiver dernier, j’ai vu des gens prendre pour Uber seulement parce qu’ils n’appréciaient pas les actions entreprises par les chauffeurs de taxi pour faire avancer leur cause. Parce qu’ils étaient tannés de les entendre se plaindre d’Uber. Alors par pure « revancharderie », ils se sont rangés derrière Uber. Bien fait pour vous, les taxis! Mourez doucement!
Un peu comme en 2012 quand on arborait le carré vert pour la très risible raison qu’on n’en pouvait plus que les étudiants s’accaparent de la place publique avec leurs slogans scandés et les rues qui tous les soirs étaient prises d’assaut.
Quand « bin oui, mais là c’est gossant! » devient l’unique argument pour justifier une position.
Cette câlisse de manie de choisir absolument un camp, là, maintenant, tout de suite. Prends-le donc Uber si ça peut te faire plaisir, mais arrange-toi au moins pour être au fait de ce qui s’est dit sur l’entreprise avant d’aller au front pour sauver son cul. Il se pourrait que tu fasses erreur.