Depuis qu'a été donné le coup d'envoi à la 46e biannuelle chasse aux musulmans du Québec, la montée de l'islamophobie sur les médias sociaux ne peut plus tout à fait être niée désormais. Les xénophobes ont plus que jamais pris d'assaut les newsfeeds et plus récemment les bureaux de vote avec pour arme de destruction subversive: un sac de patates en guise de burqa.
C'est la honte et il ne faut pas hésiter à le dire que c'est honteux, à dénoncer, surtout lorsque dans le message que ces gens adressent spécifiquement aux «pures laines», il y a exclusion; comme si les musulmans ne pouvaient ni le lire, ni l'entendre et encore moins intervenir.
Et pure laine, ça m'a tout l'air que j'ai apparence de. Je refuse. Je suis horrifié qu'on présume avec tellement de certitude que de tels propos — qui bien souvent finissent par inciter au meurtre — ne sauraient m'indisposer, en raison de la pâleur de ma peau; que ce spectacle ait lieu sans même qu'on ait pensé consulter les principaux intéressés, comme s'ils avaient à le subir sans jamais pouvoir interrompre: «Hey, c'est parce qu'on est là! On vous voit, on vous entend!»
Ces pauvres idiots costumés se présentent au bureau de vote en faisant fi de l'éventualité de se retrouver nez à nez avec un musulman, lui larguant alors en plein visage tout le mépris et l'arrogance dont ils sont porteurs; et quand finalement le face à face survient, le résultat s'apparente au contenu de cette vidéo qui a circulé il y a quelques jours où on voit un «pure laine» en burqa totalement pris au dépourvu devant une jeune musulmane qui garde le sourire malgré que juste avant on l'ait injustement assimilée aux terroristes.
Je réitère mon refus: je ne peux tolérer cette haine. Vous me donnez la nausée.
Je ne peux plus entendre cet insidieux argument qu'on me balance depuis le début de cette campagne pour se porter à la défense de monsieur/madame sac de patates: «Ces gens-là ne sont pas xénophobes, ce qu'ils cherchent à faire c'est seulement de dénoncer qu'on permette de prêter serment à visage couvert et ils ont trouvé une manière créative de manifester leur désaccord! T'es correct avec ça toi qu'une femme puisse voter en niqab?»
S'IL-VOUS-PLEASE. Ce n'est plus à propos de pouvoir voter ou non en niqab. Ça ne l'a même jamais été. Personne ne s'oppose à la laïcité de l'État. Personne. Mais rien que le fait d'évoquer cette potentielle laïcité amène étrangement à chaque fois les rednecks agités à se lever, à espérer qu'on violente les femmes voilées qui n'ont pourtant pas encore prononcé un seul mot au sujet dudit projet. Je ne sais pas ce qui se produit dans ces têtes pour que les réactions soient aussi irrationnelles que violentes, pour que l'imagination arrive à s'inventer une féroce et menaçante résistance du côté des musulmans alors que, je répète: personne n'a même encore parlé.
Il nous faut dénoncer absolument ces trop nombreux dérapages xénophobes. On ne peut pas céder comme ça aux caprices des islamophobes jaloux qui ne peuvent flairer qu'on ait permis — provisoirement — à une dame de prêter serment à visage couvert. Pour une seule personne seulement, le Québec s'est levé. Pour une situation particulièrement complexe qui exige un peu de calme, de patience et de compréhension, les Québécois ont plutôt opté pour le pleurnichage et les cris stridents.
Je refuse d'envoyer comme message aux musulmans qu'on a donné à leurs détracteurs ce qu'ils voulaient, en plein climat de haine. C'est pourquoi je peux crissement bien vivre pour l'instant avec l'idée qu'une femme, une seule, n'aie pas retiré son voile lors de sa cérémonie d'assermentation.
Si ce n'est pas déjà fait, vous lirez les horreurs que les gens déposent un peu partout sur les médias sociaux dernièrement: ce que souhaitent la plupart d'entre eux va bien au-delà d'une laïcité de l'État (de toute manière ce concept dépasse leur compréhension). Ils demandent à ce que les musulmans abandonnent carrément l'islam, à ce qu'on les «renvoie dans leur pays». C'est ça l'enjeu, actuellement, et pas vraiment le port du niqab, soyons honnêtes.
Si la plèbe n'était pas aussi raciste, possiblement qu'aujourd'hui ce dossier aurait été réglé depuis fort longtemps et dans le calme. Il faut éduquer d'abord. Laisser la haine et l'intolérance s'estomper. Après on discutera de laïcité, une fois que le bien-être et la sécurité des musulmans ne seront plus en péril. Sans causer préjudice.
Mais s'il-vous-plèbe, ne surestimez pas la capacité de compréhension de ces sacs de patates anonymes: ils sont bel et bien ignares et xénophobes.
J'ai honte.