Deforestation est une exposition présentée à la galerie Yves Laroche, en partenariat avec l’Art Tattoo Show Montréal 2014, du 4 au 13 septembre 2014. Elle regroupe les œuvres de quatre tatoueurs qui délaissent leur canevas traditionnel — le corps humain — afin d’apposer leur art sur papier. Passons en survol les artistes exposés:
1. Phil Holt
Phil Holt, Arrogance and Arrows (2014)
L’artiste Phil Holt, tatoueur depuis 1996, est à la fois participant et commissaire de l’exposition. Ses magnifiques aquarelles happent l’œil, et ce, dès que l’on pénètre la galerie. Réalisées à l’aide de couleurs vives, elles explorent le thème de la solitude et du désir de liberté. L’installation The Process of Pride and Grace débute sur une scène bucolique — une maison sur la colline — pour ensuite plonger progressivement dans l'horreur surréaliste d'un loup à la bouche remplie de flèches, qui émerge d'un amas de matières organiques rappelant vaguement la mutation de Tetsuo dans Akira. Le loup (animal solitaire par excellence), le soldat et les étendues désertes sont des motifs récurrents dans l'œuvre de Holt. Ils véhiculent une certaine tristesse qui pousse à la réflexion et semblent symboliser un univers où, bien que l’on soit sans cesse entouré d’une multitude, il est facile de se sentir seul au monde.
2. Timothy Hoyer
Avec Timothy Hoyer, on plonge dans un univers sci-fi rétrofuturiste, un amalgame de tuniques bleues et d'entités robots, de portails multidimensionnels et d'enfants-fantômes. Des toiles complexes, remplies de détails qui, encore une fois, émettent un sentiment de solitude intense. Son travail me rappelle un peu la bédé galactique française des années 70, pensez Moebius sur les stéroïdes. Des toiles intenses, qui s’allient bien à celles de Holt.
3. Lango Oliviera
Lango Oliviera, Praca XV (2014)
On découvre ici un art plus traditionnel, beaucoup plus ancré dans l’univers du tatouage. La toile Praca XV nous offre une femme tentée par le démon, avec un château des Mille et Une Nuits en arrière-plan; juxtaposition intéressante d’idées judéo-chrétiennes et d’images de l’Islam. Bien que du point de vue de la technique, les œuvres d’Oliviera soient intouchables, elles m'interpellent moins que celles des deux premiers artistes. Je ne peux m’empêcher de penser que leur inclusion fait perdre un peu de sa cohérence à l’exposition. Un accroc mineur, qui ne diminue en rien la qualité du travail de l’artiste.
4. Edu Cerro
Edu Cerro, Vessel (Thought Dragon Series), 2014
Finalement, chez Cerro, on retourne dans l'univers de la mutation futuriste, avec des créatures qui ne sont pas sans rappeler l'esthétique du film Alien. On retrouve, ici encore, le sentiment de la profonde solitude, de la perte, de l'absence de lumière et d'amour. Toutefois, cette émotion est portée à l’extrême, étant donné l’immensité de l’espace, le grandiose, qui se dégage du travail de l’artiste. Évoluant surtout dans le «bichromatisme» noir et blanc, Cerro est un peu le penchant cauchemardesque de Holt et de Hoyer. Ses monstres pourraient être ceux qui s’attaquent aux personnages des deux autres peintres, dans leurs rêves les plus atroces.
Deforestation est une exposition magnifique, qui démontre bien que les tatoueurs sont des artistes à part entière et que l’on se doit de respecter comme tels. Regroupant une vingtaine d’œuvres, il ne vous faudra qu’une trentaine de minutes pour donner un bon p’tit coup de poing à votre cerveau, en découvrant le travail de ces artistes chevronnés. Je vous recommande fortement cette violence auto-imposée.
Deforestation
Du 4 au 13 septembre 2014
Yves Laroche Galerie d’Art | 6355 boul. St-Laurent