Pour se rendre au FME, les trois jeunes Acadiennes du groupe indie-folk Hay Babies ont parcouru 18 heures de van, reliant Moncton et Rouyn-Noranda. Les kilomètres qui défilent sous leurs yeux sont devenus familiers. C’est que depuis sa formation en 2011, le groupe a sillonné le pays en donnant plus de 250 spectacles, en remportant les Francouvertes en 2013 et une dizaine de prix au Festival vue sur la relève. Réalité qui a donné naissance à leur premier album complet en avril 2014, Mon homesick heart.
NIGHTLIFE.CA: De quoi parle votre album?
Viviane: «C’est un mélange de feeling entre le fun d’être dans une chambre d’hôtel en tournée, pis de réaliser que tu es en train de manquer la fête à ton père pour la deuxième fois»… «Tu te sens mal, car ce que tu appelais un hobby et un rêve est devenu ta job et actually que tu n’as pas le choix d’être loin.» «Ça parle du temps qui passe… En trois ans, on en a vécu des choses intenses, des histoires d’amour (qui se tiennent par un fil de téléphone!) et d’amitié entre nous. On jase de tout ça avec humour et en gardant notre fun!»
NL: On a déjà dû vous dire que vous sonnez un peu comme Lisa Leblanc. Est-ce que cela vous fatigue?
Catherine: «Si les gens nous comparent, c’est correct, car on l’aime Lisa, mais se faire dire que nous sommes pareilles qu’elle: NON! On a envie de dire: avez-vous écouté la musique? Avez-vous écouté les paroles?!».
Julie: «On ne veut pas vendre le band par le fait que nous sommes des filles, ou que nous avons un accent cool, pis stylé, que les Québécois ou les Français aiment. Quand quelqu’un nous compare aux Soeurs Boulay parce qu’on est des filles et qu’on joue du banjo et bien c’est comme dire que Jimmy Hendrix et Jimmy Page faisaient la même musique, car ils étaient des hommes et qu’ils jouaient de la guitare. On a besoin de s’affranchir de ça».
Crédit: Photo de presse Hay Babies
NL: Parlons-en de votre accent! Vous utilisez un mélange de français et d’anglais dans vos chansons (chiac). Est-ce qu’au moment de la création, les mots viennent plus facilement dans l’une ou l’autre langue?
V: «Moi avant d’être dans le band avec les filles, je n’écrivais pas en chiac. Y’avait juste Julie qui le faisait, car elle ne voulait pas dire des mots français qu’elle n’utilisait pas.»
J: «Je ne voulais pas dire des mots qui étaient des «mensonges» pour moi. Je viens du Sud, de Memramcook et le chiac vient de Shédiac, pas très loin. Écrire en français me demande plus d’effort qu’écrire en anglais».
C: «J’aime mieux dire que nous écrivons en acadien. Je viens du Nord, plus près du Québec, en dessous de la Gaspésie et je parle moins l’anglais qu’elles. C’est difficile pour moi d’écrire une chanson en anglais; y’a même des mots que je ne peux pas prononcer comme du monde en anglais!»
NL: Êtes-vous sensibilisées par la défense du français au Québec?
C.: «Les gens bachent sur le chiac ou le parler acadien, car selon eux, c’est comme si on poussait l’anglais. J’ai envie de leur dire, ok mais si on n’écrit pas en chiac on va l’écrire en anglais d’abord!»
V: «La réalité c’est qu’on a des enseignants québécois, dans des écoles où même le directeur est Chiac. Mais dans les cours, tu feel ton français comme il est, mais les profs ne comprennent pas que nous utilisons certains vieux mots.»…«Quelles sont les règles qui dictent que c’est du bon français ou pas? On devient obligées de penser à tous nos mots pour se faire comprendre, et ce en français et en anglais. Les gens ne réalisent pas comment notre langue nous place entre deux murs. Everywhere oussé que tu vas, tu n’es pas capable de parler dans ta langue».
C: «On ne parle pas comme cela pour être cool comme les gars de Radio- Radio ou pour être stylish ou super hip, mais parce que c’est vraiment notre langue».
Comme quoi, au-delà de la musique, il est toujours question d’identité culturelle et linguistique.