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Le Détesteur: #SACDECHIPS

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Le Détesteur: #SACDECHIPS
Crédit: Émilie Deshaies

Depuis quelques semaines, le presque mouvement #SACDECHIPS gagne presque en popularité sur Facebook. Dans un but bien précis de se moquer des sections dédiées à l'insolite sur les sites de quotidiens (notamment, le Sac de chips, au Journal de Montréal) et nouvelles télévisées, les gens prennent plaisir à publier d'inintéressants potins et faits divers sous le hashtag en guise de satire et d'indignation. 

C'est drôle parce qu'en 2005, tu m'aurais parlé d'un quotidien qui entretient sur son site web une telle section qui mise sur les nouvelles inusitées et buzz dégotés un peu partout à travers Internet, je t'aurais dit que c'est cute. Bénin. Que ça va de soi. J'me serais probablement moqué du retard des compétiteurs qui n'emboîtent pas le pas. Parce que tsé, Internet, allô, arrive downtown, bro.

Mais en 2005, j'étais jeune. Je ne faisais que constater l'écart entre les médias traditionnels et l'univers parallèle dans lequel j'évoluais. Devant pareille initiative, j'aurais naïvement lâché un cynique «Enfin, esti.», sans pour autant y adhérer.

J'étais jeune, je le rappelle, pis j'avais sûrement tort. Fallait pas m'écouter. Si je m'intéressais à l'histoire d'un jeune garçon plombier de huit ans et demi qui habite au fin fond de la Nouvelle-Zélande, c'était mon esti de prob. Mon choix perso de niveler par le bas, de concentrer mes intérêts dans le futile. Mais fallait vraiment pas qu'on s'adapte à moi, qu'on me fournisse tout ça sur un plateau d'argent.

Si je voulais me tenir à l'affût des récentes découvertes sur les vertus du Nutella qu'on applique sur la peau, je savais où me rendre et quels mots-clés taper dans Google. Des sites web et forums spécialisés dans ce type d'actualité s'offraient déjà à moi.

Mais là, les choses ont changé. Depuis que le Journal de Montréal a instauré sa section Sac de chips et que TVA Nouvelles over-alimente sa section Le Buzz, je n'ai plus à faire la file à la pharmacie pour que me sautent en pleine face des titres de manchettes et potins complètement surréalistes, insipides, bourrés de jugements de valeur et câlissement bas-de-gamme. IT'S EVERYWHERE ON FACEBOOK.

Récemment, on pouvait apprendre dans la section internationale de chez TVA Nouvelles qu'une jeune fille s'était servie de son prêt étudiant pour faire augmenter sa poitrine. Ça s'est passé en Grande-Bretagne, ce qui rend cette «nouvelle» encore moins digne d'intérêt ici, déjà qu'on devrait s'en câlisser, et que même là bas, ils n'en font pas autant un cas que du côté de Québécor qui s'est assuré de spinner la nouvelle all over son réseau dans le grand Canada au complet. 

Même pas de l'insolite, qu'on me dit. Nope, ça relève du domaine de l'international. On vient qu'on ne sait plus quel fait divers appartient à quelle section, tellement on fait dans l'insignifiance. Potinage, jet-set, extraordinaire et journalisme d'enquête chillent ensemble sur une base beaucoup trop régulière.

Même les tweets et publications FB les plus banals et dénués d'intérêt de figures médiatiques sont repris pour en faire de la nouvelle.

Par exemple, quand la chanteuse et blogueuse Marilou racontait sur sa page comment elle s'est étouffée au restaurant, le Sac de chips a vite fait de sauter sur son histoire. Ç'a permis à des gens de se moquer d'elle et du fait qu'on accorde tout un texte à une histoire qui aurait dû s'en tenir à un simple statut. Mais la vérité, c'est qu'elle venait tout juste de refuser une entrevue à la journaliste en charge de la section.

Même elle trouvait la méthode risible et n'acceptait pas de se prêter au jeu. D'autres personnalités tournent également au ridicule cette façon de faire.

Du coup, les artistes sont rendus complices bien malgré eux de ces insignifiances et se voient contraints à subir l'humiliation, sur les médias sociaux, à la place des rédacteurs qui donnent dans le petit journalisme.

Ce qui me semblait bénin, initialement, m'apparait aujourd'hui comme nocif pour l'avenir du journalisme et de l'information, dans la mesure où ces actualités en sont presque à surclasser les choses qui comptent réellement. Du moins, sur le web. Le divertissement on the side d'une sous-section autrefois falcutative et presque trop bien camouflée n'est plus; il s'est transformé en nouvelle d'intérêt public qu'on partage massivement et pour laquelle on se réjouit et s'indigne vivement.

C'qui fait que des coupures majeures dans la culture par le Gouvernement Harper, ça, c'est pas mal moins tripant qu'un homme qui a fait caca sur le toit d'un étranger en Ohio, mettons.

#SACDECHIPS

Je te déteste.

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