Le printemps approche, il nous délivrera bientôt des froides griffes de l’hiver. (Remarquez la métaphore.) Plusieurs d'entre vous profiteront du redoux et du congé pascal pour aller faire un tour à New York. Vous vous imprégnerez de culture, et perfectionnerez vos connaissances en art contemporain avec une visite au Guggenheim. Ok, peut-être pas. En fait, vous allez à New York pour faire le party, on le sait bien. Par contre, il existe un endroit gratuit, facile d’accès et débordant d’histoire, qui vous permettra d’affirmer que vous vous êtes cultivés, juste un petit peu. On parle ici du Houston/Bowery Wall.
Ce mur, situé à l’intersection des rues Houston et Bowery, dans le Lower East Side (un quartier hébergeant une importante concentration d’artistes), accueille d’abord, en 1982, la première œuvre publique à grande échelle du regretté Keith Haring. La pièce lui permet de cimenter sa réputation en tant que pionnier du mouvement d’art de rue naissant.
En 1984, Tony Goldman, promoteur immobilier et mécène new-yorkais, fait l’acquisition du mur. Lors des deux décennies suivantes, l’emplacement est utilisé à des fins publicitaires… et par des graffiteurs qui y apposent illégalement leur marque. Il faut attendre 2008, et ce qui aurait été le 50e anniversaire d’Haring, pour assister à la renaissance du «wall». Afin de célébrer l’artiste, Goldman s’associe au conservateur Jeffrey Deitch et commissionne Gotham Scenic afin de recréer l’œuvre originale.
L’enthousiasme suscité par l’œuvre ressuscitée pousse Goldman et Deitch à transformer le mur en galerie à ciel ouvert. Ce sont les deux graffiteurs jumeaux de São Paulo, Os Gêmeos, qui ont l’immense honneur de succéder à Haring. Leur street art naïf et fantaisiste s’inscrit parfaitement dans l’esprit du défunt, un choix judicieux qui démontre le sérieux des conservateurs.
Vient ensuite Shepard Fairey (voir photo ci-dessus), célèbre pour son Andre the Giant et sa marque de vêtements Obey. Son travail finira par être victime des tagueurs et des opportunistes, qui détruisent des pans du mur afin de s’approprier des morceaux de l’œuvre. Ce triste destin n’est réservé qu’à Fairey, les oeuvres suivantes étant plus ou moins respectées (avec bien sûr un petit «throwie» ici ou là par un jeune vandale en quête de célébrité). On peut se demander si ce manque de respect par rapport à la pièce de Fairey est dû au côté commercial de son œuvre, qu’une frange du mouvement street art reproche à l’artiste.
Depuis, onze artistes différents ont orné le mur de leur talent. Que ce soit avec le graffiti traditionnel de Barry McGee, l’art plus politisé du Français JR, la calligraphie de RETNA ou les influences nippones d’Aiko Nakagawa, le Houston/Bowery Wall offre un éventail diversifié des courants artistiques modernes.
Pendant les mois à venir, c’est l’artiste de Brooklyn Maya Hayuk (voir photos ci-dessous) qui s’approprie le mur. Son design géométrique, avec ses vives couleurs fluorescentes, est un précurseur parfait du printemps qui approche. Un détour obligé lors de votre prochain périple à Gotham!
Source: Arrested Motion