Dernièrement, j’ai été amené à siéger sur le jury des Francouvertes. Un plaisir autant qu’une corvée. Plaisir parce que la «cause» me tient à cœur et que l’occasion est idéale pour faire des découvertes. Corvée parce que la tâche implique d’approcher la musique sous l’angle pédagogique, d’énoncer des sottises comme «untel l’a!» «untel n’est pas prêt!» Misère…
Demandons-nous jusqu’où se seraient rendues certaines légendes si leur avenir avait dépendu de ce genre d’épreuve. Nirvana ou les Pixies avec leur présence scénique inexistante. Dylan et son chant d’enrhumé pompette.
La meilleure musique est l’expression même de l’impréparation. C’est le son d’un appétit, d’une urgence…
On fait la meilleure musique quand on n’est «pas prêt». Quand on est «prêt», on joue dans Alfa Rococo.
Les concours musicaux demeurent amusants et utiles, surtout au moment où la foire musicale gratos qu’est Internet tend à dépersonnaliser la musique. Mais il y a quelque chose de profondément absurde à passer la création dans l’entonnoir des critères.
Les demi-finales se tiennent les 12, 13 et 14 avril au Lion d’or et la grande finale, le 3 mai au Club Soda. Que le moins prêt gagne.
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Pourquoi n’y avait-il pas plus de monde pour YACHT au Belmont, le 6 mars? Nous voici peut-être au terme du revival post-punk, ce qui est sans doute pour le mieux (des bonnes critiques pour les Local Natives, vraiment?). Dans ces temps-là, on laisse quand même des perles de côté. Jona Bechtolt et ses trois adjuvants se sont livrés à une sorte de show de variété qui incluait des chorégraphies, des projections et, surtout, un humour nerd qui cadrait tout à fait avec une musique qui, même si elle n’est plus complètement au goût du jour, reste un impeccable croisement de post-punk à la Talking Headset d’électro. Psychic City résonne comme un hymne au règne de David Byrne sur les années 2000.
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On associe souvent le shoegaze aux années 90 de My Bloody Valentine, mais le genre a nourri tellement de courants, dernièrement, que le lien perd peu à peu de son sens. Il y a eu l’ambient-noise de Tim Hecker puis, plus récemment, le chillwave de Neon Indian et autres Toro y Moi. Neon Indian a eu peine à rendre sa relecture synthétique, à forte teneur en sonorités des années 80, le 10 mars au Belmont, comme si le genre avait besoin de l’intimité du studio pour vivre.
En contrepartie, les Besnard Lakes ont érigé leurs murs de guitare avec une vigueur impressionnante, deux jours plus tard, au Il Motore. Dur à croire qu’il s’agit du même groupe qui avait peine à transposer les pièces de Besnard Lakes are the Dark Horse sur la scène du Lambi, il y a trois ans. Le quatuor a pris une force, une assurance qui en font assurément l’un des meilleurs combos du genre, en ce moment. Pas de doute: le shoegaze est là pour rester, et il n’est jamais aussi puissant que lorsque tendu entre deux manches de six-cordes.